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solides, et tous les jours il bénissait avec Nicolette, le Seigneur de lui avoir conservé ses forces.

Mais les desseins de Dieu sont impénétrables ; malgré toute vraisemblance, la catastrophe arriva.

Le surlendemain de la fête de l’Ascension, le clocheur allant sonner l’angelus, trouva dans l’église, contre le mur, juste en face de l’autel des saints Côme et Damien, le bâton du curé. Mais dans quelle condition superbe ! fleuri comme au temps où il était vivant dans une haie d’aubépine, ou de « buisson blanc » comme on parle à La Noaillette et même ailleurs.

Éperdu, le bonhomme s’en alla clamer la nouvelle dans le village, et bientôt les habitants accourus purent constater le miracle.

Car c’en était un, il n’y avait pas à en douter. Le bâton fleuri était bien celui du curé Guynefort ; c’était bien cette lanière tressée qu’il passait à son poignet, et le maréchal reconnut sans doute aucun, la virole de fer dont il avait armé le gros bout du bâton. Aussitôt les deux cloches sonnées à toute volée apprirent aux bonnes gens de la paroisse, que quelque chose d’extraordinaire était arrivé au petit bourg.

Alors de tous côtés accoururent les curieux, hommes, femmes, enfants, le sire Joffre en tête, car il était à cheval. À la vue du bâton fleuri tous s’exclamèrent joyeusement, et bénirent Dieu d’avoir donné ce signe à son peuple de La Noaillette.

Mais Mondissou, du Clédier-de-Villemur, qui avait l’esprit de contradiction, jeta un peu d’eau froide sur cet enthousiasme pieux, en faisant remarquer que le moine avait comparé l’odeur des vertus de leur curé à celle qui montait des haies d’épine au beau mois de mai, de manière