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peut-être parce qu’ils sont mauvais et d’un très médiocre rapport. Quant à la création d’un réseau de chemins praticables, elle serait acceptée, sans doute, par tous, à la condition qu’il n’en coûtât rien à personne et que les terrains pris fussent payés largement. Comme je pense que vous n’avez pas l’appui du gouvernement royal, et que d’ailleurs le Trésor est à sec, ce qui est l’état normal d’un trésor public, il faut encore rayer cet article de vos projets. Vos deux principaux moyens étant ruinés, je n’entre pas dans l’examen des moyens secondaires : ainsi, votre entreprise échouera nécessairement. Tout ce que vous pourrez faire, c’est d’être un précurseur, de jeter quelques graines qui lèveront peut-être plus tard. Le rôle n’est pas sans grandeur, mais il ne va pas sans des éventualités fâcheuses et exige le sacrifice de toute une vie. C’est à vous de juger si ceux pour lesquels vous désirez vous dévouer à cette œuvre généreuse méritent que vous leur sacrifiiez votre repos, votre réputation et votre bien.

» Le paysan doubleau, voyez-vous, avec ses allures gauches, ses airs obséquieux, serviles même, et son sourire bonasse, est un rusé matois. Lorsqu’il s’agit de ses intérêts, il est d’une habileté que n’embarrassent guère les scrupules. Métayer, il trompe son maître dans le partage des récoltes, sur la vente des bestiaux, l’engraissement des porcs, sur la volaille, les œufs et le reste. Petit propriétaire, ses ruses sont tenues en échec par celles de son voisin : le plus habile l’emporte, ou le moins honnête. Mais toujours autant qu’il le peut, sournoisement ou audacieusement, selon les circonstances, il rapine autour de lui, empiète, déplace les bornes et, dans la mesure de ses forces, s’approprie le bien d’autrui.