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la maladie née dans leur étang, seront peut-être les plus difficiles à persuader, tant l’ignorance aveugle les gens sur leur véritable intérêt !… Pour moi, si j’étais riche et influent, je prêcherais la régénération de la Double, je m’en ferais l’apôtre, et j’estime que je finirais par convertir à mes idées les pouvoirs publics, l’opinion et les intéressés… Mais, comme je ne suis ni l’un ni l’autre, je me contenterai provisoirement de répandre ces idées autour de moi, modestement, et de faire la guerre à la fièvre. Quand je ne persuaderais qu’un seul homme, quand je ne sauverais chaque année qu’un petit nombre de vies humaines, ce n’est pas un résultat à mépriser !

Daniel s’était un peu animé en parlant, et les convives masculins observaient avec une sorte de curiosité inquiète la grosse tête aux traits énergiques, sous la chevelure noire retombant comme une crinière, de ce jeune homme qui troublait leur optimisme de gens heureux et bien repus.

— Mon cousin, ces sentiments vous font grand honneur ! dit hardiment la jeune fille.

— Certes ! appuya M. de Légé, avec son hochement de tête qui trahissait une restriction mentale.

Sur cette parole, tout le monde se leva de table. M. Servenière, qui sollicitait un prêt de son hôte, s’en fut avec lui dans la cour.

— Excusez-moi, dit le curé aux deux jeunes gens, je vais dire mon bréviaire dans le jardin.

— Nous allons nous promener dans le Bois-Joli en vous attendant, monsieur le curé, lui répondit Minna.

Lorsqu’ils furent sous la charmille invincible aux rayons du soleil, la jeune fille, en marchant près de son cousin, lui dit tout à coup :