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seraient d’un bien meilleur rapport : qui a de l’herbe a de la viande et du blé.

— Il serait difficile de décider les gens de la Double à détruire leurs étangs, dit le curé.

— C’est aussi mon avis, tant la routine est puissante ! Mais, à défaut du consentement des propriétaires, la loi du 11 septembre 1792 autorise l’État à supprimer les étangs insalubres.

— C’est une loi spoliatrice ! protesta M. Servenière.

— Selon moi, c’est une loi d’intérêt public, répondit Daniel. En remettant dans leur état primitif les terrains occupés par les étangs qu’avaient créés artificiellement les chartreux de Vauclaire, on ne spolie personne. Si chacun a le droit d’user de sa propriété comme il lui convient, ce n’est qu’à la condition expresse que cet usage ne soit pas nuisible aux autres. Du reste, on pourrait tout concilier en adoptant le principe d’une indemnité qui serait payée aux propriétaires des étangs.

— Je crois, monsieur le docteur, dit le curé, que, même avec une indemnité, vos idées trouveront peu de partisans… quant à présent, du moins !

— Je le crois tout comme vous, monsieur le curé. Il y a trop de gens prêts à les combattre. Par exemple, la plupart des grandes terres de la Double appartient à des propriétaires qui n’y habitent jamais : ces absentéistes, qui ne craignent pas de gagner les fièvres et n’ont pas sous les yeux le spectacle douloureux des infortunés qu’elles tuent lentement, ceux-là, dis-je, dans leur égoïsme naturel, s’opposeront à la destruction des étangs. De même feront les tout petits propriétaires paysans, victimes de cet état de choses. Ces misérables, qui meurent de