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— Il avait besoin, comprends-tu, de ses fonds pour une affaire, le pauvre homme !… « Nous ne vous demandons qu’un petit délai, lui dis-je ; le temps de vendre, seulement : j’ai des acquéreurs tout prêts… » Et, là-dessus, je m’évertuai à plaider ta cause : « Un jeune homme, un parent, bien digne de sympathie, etc. » Je parlai sans débrider une bonne demi-heure, épiant sur sa figure l’effet de mon discours. Baste ! rien ne bougeait sur son visage mal jovent ; seule sa grande tête de cheval faisait parfois ce diable de mouvement falot, de mauvais augure, mais, ce qui me rassurait un peu, en ralentissant toujours davantage. Lorsque j’eus fini de pérorer, il tira sa tabatière et m’offrit une prise : « Hum ! hum ! en ce moment, cela tombait mal ; réellement, il avait une affaire en vue pour laquelle il avait besoin de son argent… » Sur quoi, je lui opposai qu’il n’en était pas à une dizaine de mille francs près… Voici la tête qui recommence à branler, et moi qui m’obstine à parler. Bref, quand je me tus, il me dit qu’il était singulièrement peiné de voir que tu étais obligé de vendre une partie de ton bien ; qu’à la vérité il n’avait pas eu à se louer de ton père, qui l’avait toujours combattu en politique, mais que le droit humain, la justice et la religion commandaient de ne pas faire porter aux fils la faute des pères, et que par ainsi il était disposé à renouveler l’obligation à lui consentie avant leur brouille par le défunt… Pour l’argent dont il avait besoin en ce moment, il tâcherait de s’arranger… « C’est que les intérêts, objectai-je encore, seraient trop lourds pour Daniel. » Et lui de me répliquer bellement que, lors du prêt en question, il n’y avait pas de loi limitative du taux de l’intérêt, si bien qu’à cet égard les conventions des parties en tenaient lieu ; mais que, ce