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fades… et puis j’avise le ciel et les nuées qui passent, et, des fois aussi, j’épie des oiseaux faisant leur nid, ou des bestioles cherchant leur manger…

— Et où demeure ta gent ?

— À Pleine-Serve, d’où je suis, entre Échourgnac et Servanches.

— Cela étant, on ne peut dire que tu ne sois bien Doubleau !

— Pour ça, je le suis bien.

— Tu te trouves heureux ?

— Assez, notre monsieur.

— Que te faudrait-il pour l’être tout à fait ?

— Je voudrais n’avoir plus les fièvres.

— Eh bien, mon drôle, je te les couperai, sois tranquille, si elles reviennent… Adieu, ne laisse pas tes brebis aller dans les coupes ! ajouta le maître, en jetant un coup d’œil sur le troupeau de bêtes chétives, d’espèce dégénérée.

En continuant cette revue de son bien, Daniel pensait à cet adolescent, dont les cheveux, les yeux, le teint blanc décelaient un descendant de la race celtique, type conservé depuis des milliers d’années, ou peut-être réapparu par atavisme sur cette terre de Double tant de fois bouleversée. Comment un misérable germe humain avait-il pu conserver ou reproduire le type originel de la race à travers tant de générations et malgré tous les mélanges de sang dus aux guerres et aux invasions des Romains, des Goths, des Francs, des Sarrasins et des Normands ?

Daniel passait alors dans une belle chênaie plusieurs fois centenaire, qui dépendait de la terre de Légé. Les arbres droits et sains, aux têtes touffues et ombreuses, semblaient les piliers d’un antique temple sylvestre et vous remémoraient les druides en procession allant