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approbations chaleureuses grisent quelques têtes généreusement optimistes.

L’un déclare que la Double deviendra « une petite Normandie » ; l’autre affirme qu’elle sera « la Charente du Périgord » ; — et cela veut dire, en langage ordinaire, qu’elle produira du beurre comme celui d’Isigny et des eaux-de-vie « fine Champagne », comme celles de Segonzac. — Un troisième ajoute qu’il y a en Double des futaies aussi majestueusement pittoresques et belles que la forêt de Fontainebleau… L’assemblée, enflammée de patriotisme local, applaudit bruyamment à ces imaginations, et quelques-uns croient fermement à ces prédictions hardies.

Il ne faut pas trop s’étonner de tout cela : les eaux de la Double s’en vont à l’Ille et à la Drone, qui portent leurs flots réunis à la Dordogne, laquelle se jette dans la Garonne… Ainsi la Double serait comme qui dirait une Gascogne approximative…

Mais parmi les convives, membres du comice, orateurs officiels, discoureurs, écouteurs bourgeois campagnards, qui applaudissent aux progrès déjà certains ou prédits, et parmi la foule des paysans curieux accourus, nul ne se souvient du docteur Charbonnière, de l’homme au grand cœur, aux idées généreuses, qui le premier conçut le projet de régénérer la Double, — du pauvre parpaillot bafoué qui là-bas, quelque part, sous la lande grise, dort paisiblement de l’éternel sommeil.


FIN