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Sorti de la maison, le magistrat rural, en voyant le trou qui attendait un corps s’écria gaillardement :

— C’était un fier original, ce parpaillot ! Comme les chartreux de Vauclaire, il a creusé sa fosse lui-même !… Il n’y a qu’à l’y mettre, ajouta-t-il.

Ainsi fut fait. Puis, lorsque la fosse fut comblée, le maire, en se rappelant toute la vie du défunt, dit par forme d’oraison funèbre :

— Cet homme était fou !

Après cela, les contrevents étant accrochés intérieurement au moyen des « renards » ou crochets, la porte fut refermée, et le maire emporta la clef dans sa poche, et la bible sous le bras pour rédiger l’acte de décès :

— Quand viendront les héritiers, on leur donnera tout ça.

D’héritiers il n’en vint pas, pour la bonne raison qu’il n’y en avait point. Cependant rien ne se perdit du pauvre héritage. Au bout de quelques jours, les voisins se dirent qu’il était trop bête de laisser pourrir et manger aux rats la « besogne » qui était dans la grangette. Et, en un rien de temps, les pommes de terre, le blé d’Espagne, le millet, tout disparut.

De la grange les mêmes braves gens, enhardis, passèrent à la maison. Les méchants meubles étaient de piètre valeur, tout étant usé, brisé, vermoulu, et le peu de linge écharpillé. Mais cela pouvait servir encore : pourquoi le laisser perdre dans cette bicoque abandonnée ?

Et, chacun emportant, qui une bancelle, qui un pot de fonte, ou une table disloquée, ou une méchante couette, ou quelque autre objet mobilier à sa convenance, sans plus de délai le déménagement fut opéré.