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Le vicomte était logé, nourri, entretenu à l’abbaye, qui n’était pour l’ex-fille galante qu’une villégiature, et recevait une pension de mille écus, à la condition de laisser à madame une liberté entière, et de ne pas mettre les pieds à Paris où elle persistait à résider.

M. de Bretout palpait exactement cet argent de provenance impure, et faisait à Bellecombe, comme auparavant à la Maison du Roy, de petites parties de débauche avec des gaupes villageoises et de vieux camarades. Il ne paraissait pas comprendre son infamie et en plaisantait même parfois, au milieu d’une petite fête :

— À la santé de la vicomtesse, ma chère épouse, qui a fait fortune par gentille industrie !

Et les amis applaudissaient, jugeant cette saillie très Régence.

Au surplus, maints bourgeois, maints notables du pays, n’avaient pas plus de scrupules, et, tout comme les manants, admiraient le vicomte pour son bonheur :

« Ah ! il n’était pas homme à refuser une bonne aubaine comme cet imbécile de docteur Charbonnière ! »

Encouragé par l’approbation générale, M. de Bretout n’était pas d’humeur à s’interdire aucune frasque. Un jour qu’il revenait de Mussidan avec deux compagnons de plaisir, il aperçut Daniel assis sur le rebord d’un fossé, se reposant près d’un faix de bois qu’il rapportait chez lui. Lors, arrêtant son cheval :

— Tenez, mon brave homme ! fit-il en lui jetant un sou.

Et, poursuivant son chemin sans voir le regard méprisant du docteur, il gaussait en disant à ses acolytes :