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riels, la plupart de moralité faible et de conduite irrégulière. M. Carol de la Berterie vivait toujours dans un désordre confinant à la crapule. M. Trécand, M. Grandtexier et les autres étaient toujours injustes et cupides, durs et insolents avec les paysans, tutoyant les vieilles grand’mères et faisant appeler « Monsieur » leur petit-fils en bourrelet. Le seul changement notable qu’on pût remarquer en eux, c’est que de carlistes fervents ils étaient devenus philippistes convaincus. L’héritier de Minna, petit cousin du côté maternel, découvert par maître Durier dans une métairie du Libournais, s’était rapidement mis à la hauteur de ces messieurs depuis son installation au château de Légé : il se montrait, comme eux, exigeant et rapace. M. des Garrigues, l’austère juge de paix acoquiné à sa gouvernante, avait passé lui-même du côté du manche, et, grâce à ses protestations hypocrites de dévouement à la monarchie de Juillet, avait conservé sa place.

Le clergé, lui aussi, après la première bourrasque, était remonté sur sa bête. Les curés, quoique regrettant le roi de droit divin, s’arrangeaient du roi citoyen. S’ils n’avaient plus tout à fait la même influence que jadis, ils gouvernaient encore l’esprit du paysan.

Sauf les cheveux gris, M. de Bretout, lui, était toujours pareil, royaliste enragé, brutal, viveur et débauché. Après avoir végété quelques années au presbytère de la Jemaye, près de son oncle, il avait eu « la chance », — pour parler comme les gens de la Double, — il avait eu la chance d’épouser une courtisane sur le retour, fille d’ordre qui, de ses économies, avait acquis dans le pays une ancienne abbaye de Bernardins appelée Bellecombe, avec les bois, les étangs et les métairies en dépendant.