Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/432

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ami s’était dissipée : son visage d’une pâleur mate, avait revêtu maintenant une beauté calme, sereine, idéale, presque immatérielle, — la beauté de la mort.

Enfin, réveillé de cette contemplation, le docteur revenant au sentiment de la réalité, ensevelit le corps dans un drap, et alla ensuite reprendre sa besogne de la veille. Et, tandis qu’il lançait les pelletées de terre hors du trou, il songeait au travail de décomposition qui allait s’accomplir là, marqué par des phénomènes aussi réguliers que ceux de la formation de l’enfant dans le sein de la mère…

À quatre pieds de profondeur, il trouva un filon isolé de cette pierre appelée « griset », qui lui donna de la peine, en sorte que lorsqu’il eut suffisamment creusé la fosse, le jour baissait. Du fond de ce trou, comme d’un puits, il voyait quelques étoiles poindre faiblement.

Nul bruit aux environs. Les troupeaux étaient retournés à l’étable, et les oiseaux, enjuchés sous la feuillée, se taisaient. Daniel regagna la maison, prit le corps dans ses bras et le porta au bord de la fosse. Puis, descendu, il l’attira vers lui, le reprit et le déposa au fond tout doucement. Après un dernier baiser au front de la morte, il rabattit le linceul, remonta, et rejeta la terre qui tombait sourdement sur la pauvre Sylvia…

Quand la fosse fut comblée, le fossoyeur d’occasion se redressa, appuyé sur sa bêche, et le regard vers l’horizon noir, il songea aux innombrables milliards d’êtres humains qui depuis le commencement des temps dorment au sein de la terre maternelle.