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— Oui, père ! je leur obéirai… Je ne veux pas te laisser seul : qui aurait soin de toi ? fit-elle en souriant aussi.

Chacun d’eux cherchait à rassurer l’autre, mais c’était en vain : le docteur ne pouvait être trompé là-dessus, et, quant à Sylvia, elle ne doutait pas qu’elle ne fût profondément touchée.

Comme si elle eût voulu épuiser avant de mourir l’infinie tendresse qui était en elle, Sylvia maintenant avait souvent des épanchements qui remuaient le cœur affligé de Daniel. La pensée que bientôt, peut-être, elle ne serait plus là pour entourer son ami de son zèle affectueux, l’obsédait péniblement.

Un jour qu’elle s’agitait un peu trop au gré du docteur, pour préparer leur maigre souper, il l’obligea de s’asseoir :

— Laisse-moi faire, Sylvia !

— Je t’obéis, père ! Car je ne veux pas mourir !… Qui t’aimerait, si je n’y étais plus ?

Dans cette nature ardente et généreuse, l’esprit et la chair, le cœur et les sens étroitement unis avaient une même activité qui se témoignait naïvement :

— Il faut être sage, ma mie ! lui disait parfois le docteur, sur un ton de plaisanterie légère ; les émotions vives ne te valent rien !

— Ô mon doux ami, qu’importe ?… puisque je dois mourir, que ce soit dans tes bras !

Une autre fois, en essuyant une larme, elle murmurait :

— Maintenant que je n’ai plus que toi à aimer, il me semble être revenue au temps de ma jeunesse… Te rappelles-tu la première fois que je te vis après ton retour de Montpellier ? J’étais venue au Désert sur la bourrique du moulin, et, toute drôlette que