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avaient à subir ensemble la même infortune, — Sylvia sentit que, si sa sollicitude maternelle était désormais sans objet, il lui restait l’obligation d’être pour celui qui l’aimait tant, une compagne attentive et dévouée.

Alors, au milieu de ses pleurs, le visage de la pauvre femme s’illumina pour cette réponse :

— Je serai courageuse, va, père, pourvu que tu me soutiennes, toi qui est fort !…

Et, en vérité, elle se montrait vaillante, la mère sans enfants. Mais depuis le rapt du petit Nathan elle était gravement atteinte, et la mort violente de sa Noémi avait encore meurtri son cœur malade. Afin de ne pas contrister Daniel, elle faisait appel à toute son énergie et dissimulait ses souffrances sous une mine tranquille. Longtemps elle alla ainsi, cachant son mal, lorsqu’un jour, comme elle marchait par la maison, le docteur la vit s’arrêter subitement et porter la main à son côté gauche. Il l’interrogea. Elle avait ressenti un élancement qui lui avait presque fait perdre haleine.

Alors il l’ausculta. Après un moment d’examen, le pauvre homme vit clairement qu’il n’avait pas achevé de parcourir le chemin douloureux où une sorte de fatalité l’avait engagé.

— C’est un peu de fatigue, dit-il bientôt en remettant la brassière. Il te faudra éviter toute chose pénible… Tu n’iras plus à la fontaine, ni au bois…

— Alors je vais devenir une paresseuse, une bonne à rien ?

— Non, ma fille. Mais c’est assez que tu t’occupes aux petits soins du ménage : je ferai le reste… Tu m’entends bien ? C’est le médecin et l’ami qui l’ordonnent, il faudra leur obéir ! acheva-t-il avec un demi-sourire, en l’embrassant.