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échéant, aux suppliciés par justice. Quand le cercueil fut descendu au fond de la fosse, tandis que la mère agenouillée pleurait, la figure entre ses mains, et que le fossoyeur rejetait la terre dans le trou, Daniel murmurait d’une voix basse et grave :

— Adieu mon enfant chérie, fille de mon esprit et de ma chair. Dors en paix, au sein de la nuit éternelle et profonde. Tu es désormais à l’abri des passions fatales, de la misère et du malheur. Tu auras ignoré les joies de l’amour et de la maternité, mais aussi tu ne connaîtras pas la douleur de perdre l’un après l’autre tous tes enfants !… Adieu, ma fille !…

Sur le chemin des Essarts, le père et la mère allaient tristement, échangeant de loin en loin une brève réflexion, une parole, qui étaient la simple expansion de leur douleur. À moitié route, Sylvia s’accrocha de ses deux mains jointes au bras de Daniel :

— Aide-moi un peu à marcher ! dit-elle.

Lorsqu’ils furent seuls dans la maison noire, elle s’affaissa sur une escabelle, frissonnant malgré la chaleur. Lui fourragea dans les cendres du foyer avec une chènevotte soufrée et alluma une chandelle de résine. Puis, dans la demi-obscurité, ils se regardèrent, et, avec une indicible expression d’accablement, Sylvia répéta sa lamentation de la nuit :

— Père ! je suis lasse.

— Prends courage, Sylvia !

Et, tout doucement, d’une voix basse et affectueuse, il s’efforça de soutenir la pauvre femme qui succombait sous le poids de sa peine. Certes, il comprenait la griève douleur qu’elle éprouvait et il la partageait, mais cette douleur, si légitime qu’elle fût, devait être maîtrise par la raison. Combien de mères étaient