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fous. Enfin d’autres prétendaient que ses affolements subits étaient dus à une certaine poudre lancée furtivement par des filous, intéressés à créer du trouble, dans les naseaux d’un bœuf dont la terreur se communiquait comme une décharge électrique à tout le champ de foire.

Daniel entendait ces propos sans presque en saisir le sens, absorbé dans la contemplation muette de son malheur.

Puis, des gens de la ville intervinrent : on l’emmena à l’hospice où le petit corps fut déposé sur un lit. Ensuite, vers le soir, un vieux homme en lunettes, le magister du lieu, se présenta, qui demanda au père les renseignements indispensables pour rédiger l’acte de décès.

Et, à dix heures, Sylvia, informée par un voisin qui avait vu l’accident, arriva. Elle se pencha sur sa fille, — son dernier enfant, — et, l’étreignant de toute sa force, elle sanglota d’un cœur désespéré. Enfin, lasse, n’ayant plus de larmes, elle vint s’asseoir près de Daniel et laissa tomber sa tête sur l’épaule de son ami :

— Père ! lui soufla-t-elle à l’oreille, je suis lasse de la vie, bien lasse !

— Courage, ma Sylvia, courage ! fit-il en l’entourant de son bras.

Ils passèrent ainsi la nuit, à la lueur d’une veilleuse qui éclairait faiblement la « chambre des morts », comme on l’appelait.

De grand matin, après avoir été clouée par le menuisier dans un cercueil de bois blanc fait au dépens de la mairie, la petite Noémi fut portée tout droit au cimetière, — dans un coin profane destiné aux suicidés, aux morts-nés, aux huguenots et, le cas