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— Alors, fit l’homme en achevant de remettre à grandes poignées l’or et la monnaie dans la gibecière, si tout cet argent est vôtre, vous le viendrez querir chez nous !

Et, saisissant dans le coin de l’âtre le fusil de l’oncle, il sortit de la cabane et se sauva dans la nuit.

Resté seul, le docteur songeait tristement à ce qui venait de se passer. La perte de cette somme, dont il avait déjà fait le sacrifice, il l’acceptait comme un de ces événements auxquels l’homme sage doit toujours être préparé. Mais ce vol odieux de Claret, mais la trahison criminelle de ce vieillard pour lequel il avait de l’estime et de l’amitié, qui tant de fois s’était assis à sa table, cela le navrait. Il en éprouvait une réelle souffrance. À qui se fier désormais ? Pour quelques poignées d’or dont il n’avait fait aucun usage, pour quelques milliers de francs devenus la proie d’une brute cupide, ce malheureux avait volé celui auquel il témoignait tant d’affection, l’avait privé d’un petit trésor qui l’eût un peu tiré de la misère, lui et sa famille !… Et ce misérable n’avait pas obéi à un affolement subit, car il l’avait combiné, ce vol, avec la scélératesse consommée d’un larron d’habitude…

Et Daniel tournait son regard vers le grabat où gisait le cadavre, et considérait douloureusement la tête chenue, la figure osseuse et figée du vieux chasseur de vipères qui en son vivant avait un air si sympathique de franchise et d’honnêteté !

Sur la table, le neveu avait abandonné les papiers des rouleaux où était empreint le sceau de M. Durier. Mais qu’importait au docteur ? Eût-il eu le moyen certain de récupérer son bien propre en faisant la preuve du larcin commis par Claret, qu’il se fût refusé à déshonorer après sa mort celui qu’il avait honoré