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vipères exhala son dernier souffle, imperceptible, et cessa de vivre comme s’arrête une machine aux ressorts usés.

Un moment après, le docteur lui prit la main et, ne sentant plus de pouls, se pencha sur le cœur !

— Il est mort, dit-il : c’est un brave homme de moins !

Puis ayant arrangé sur son méchant lit le vieux qui était couché tout vêtu, il alla s’asseoir dans le coin de l’âtre où brûlait un feu odorant de pommes de pin. Le neveu le suivit, s’assit en face de lui, et tous deux, silencieux, regardèrent se consumer les pignes.

On entendait la pluie crépiter sur le toit de planches, et, par un trou, des gouttes d’eau lentement espacées, tel un battement d’horloge, tomber avec un bruit mat sur le sol de la hutte. Une chandelle de résine fichée sur une tige de fer coudée, elle-même implantée dans le manteau de cette cheminée primitive, projetait en fumant sa lueur vacillante sur l’enfoncement obscur où le vieillard s’était endormi pour toujours, et laissant entrevoir son front jauni et sa barbe blanche inculte.

Le docteur songeait à la singulière existence de cet homme qui pendant plus de deux tiers de siècle avait vécu seul dans les bois, d’une vie réduite au plus strict nécessaire, étranger aux affections de la famille, et dont les relations avec le monde extérieur se bornaient quasiment aux apothicaires qui lui achetaient le produit de sa chasse.

Le neveu, lui, réfléchissait à ce geste du vieux fourrant son bras sous la couette, et il se disait que, la mort entre les dents, l’oncle cherchait encore peut-être à garder un magot serré dans sa paillasse…