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château présentement, mais que d’ailleurs c’était madame qui commandait.

Et, profitant de l’occasion, tout content de lui, le valet raconta qu’il y avait souvent du grabuge entre les maîtres parce que le monsieur, qui voyait la dame s’en aller petit à petit au cimetière, s’évertuait à lui faire écrire un testament en sa faveur. Le curé de la Jemaye, en qualité d’oncle et de prêtre, mettait souvent la paix entre les deux époux, et lui, pas bête, donnait toujours tort à son neveu ; mais, tout doucement, avec ses manières chattemites, il arraisonnait la dame et faisait le possible pour l’amener à tout léguer à son mari. Elle avait l’air de l’écouter et lui laissait croire qu’elle ferait de la sorte…

— Mais, dites-moi, interrompit Daniel, comment pouvez-vous savoir toutes ces choses ?

Gary eut un sourire fat :

— C’est la chambrière qui me raconte tout ça, la Bertine : madame lui dit tout… Eh bien, continua-t-il, la bonne preuve que la dame n’écoute pas l’oncle de monsieur, c’est qu’elle ne se confesse plus qu’au vieux curé de Vauxains, qu’elle m’envoie quérir de temps en temps.

Et, se rengorgeant, fier de posséder tant de secrets, Gary se complut, tout le long du chemin, à rapporter les bavardages du château et à les commenter, tandis que Daniel, n’y prêtant plus attention, se demandait ce que pouvait lui vouloir sa cousine.

Madame de Bretout était dans sa chambre, étendue sur une bergère, lorsque Daniel entra. En voyant ses vêtements misérables, elle se mit à pleurer, se couvrit les yeux d’une main et lui tendit l’autre. Il prit cette main exsangue et attendit, silencieux, que le flot de larmes fût écoulé.