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et s’efforçait de réconforter la mère affligée en lui suggérant des pensées moins affreuses. « Ils se tourmentaient pour de pures suppositions… Il était possible que le petit fût honnêtement enlevé par des parents sans enfants… Et puis, les ravisseurs pouvaient être pris de remords et le rendre… »

Mais à tout cela Sylvia répondait, inconsolable :

— Que n’est-il mort !

À la sortie de l’hiver, la nécessité de faire les travaux de la saison divertit un peu les parents. Si grand que fût leur chagrin, l’attention à donner à l’ouvrage éloignait pour un court espace de temps le souvenir du malheur qui les avait frappés. Mais aux repas l’obsession recommençait. La place vide de l’enfant à côté de sa mère le leur rappelait cruellement : aussi mangeaient-ils en silence, chacun renfermant sa peine en soi. Parfois, cependant, le père, ému de pitié, cherchait par une parole, une réflexion, à écarter de Sylvia l’idée qui la hantait. Mais c’était en vain.


Un matin d’avril, comme ils achevaient sans souffler mot un maigre déjeuner de bouillie de blé d’Espagne, on heurta du poing à l’huis. À l’invitation du maître, un homme entra : c’était Gary, le domestique d’écurie de Légé. Il venait, par le commandement de madame de Bretout, prier le docteur Charbonnière de se rendre près d’elle sans perdre un instant.

Il pleuvait fort. Gary avait une limousine d’où l’eau dégouttait ; Daniel prit sa vieille peau de bique pelée par places et suivit le messager.

Interrogé en route si M. de Bretout permettait cette visite, Gary répondit que le monsieur n’était pas au