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vainement le petit. Ensuite il revint à la maison, fatigué, très inquiet, et reparut devant la mère pâle, angoissée, qui ne s’était pas couchée de la nuit.

— Les loups l’auront mangé ! s’écria-t-elle, désespérée, en revoyant Daniel seul.

— Non. Il se sera égaré plutôt, et on l’aura recueilli dans quelque village, dit le père. Je vais m’enquérir aux alentours.

Au bout d’un instant, il repartit.

Durant toute une longue journée, il visita les maisons solitaires et les villages les plus proches, puis ceux plus éloignés, décrivant de grands cercles autour des Essarts. Le soir, il rentra, épuisé, recru de fatigue et de chagrin ; nulle part on n’avait aperçu l’enfant.

Tombant assis sur un escabeau, il demeura immobile, un instant, les yeux fixes : il cherchait à deviner ce qu’était devenu son petit Nathan. Ne pouvant se résoudre à l’inaction, il allait repartir encore, au hasard, lorsque Sylvia dit tout à coup :

— Ces bohémiens ?…

Il y avait déjà pensé. Ce nomade accompagné de Gavailles, venu le quérir pour un malade qui n’était peut-être qu’un ivrogne, cela lui semblait suspect : aurait-on voulu l’écarter ?

— Je vais y aller ! répondit-il.

— Pauvre ami ! fit-elle en pleurant. Il te faut prendre des forces… J’ai fait un peu de soupe…

Il avala cinq ou six cuillerées, à contre-cœur, prit dans le tiroir un des louis du comte de Fersac, et, après avoir étroitement embrassé Sylvia, son bâton à la main, il s’en alla dans la nuit.

— Enferme-toi bien, ma fille chère, et fais coucher