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le torse, à l’orientale, les pieds chaussés d’espadrilles de corde, le patriarche de la tribu, vieillard à la barbe blanche, drapé dans une mauvaise couverture rayée, coiffé d’une sorte de guenille enroulée autour de sa tête, fumait majestueusement une grande pipe de porcelaine peinte en contemplant son peuple basané.

Au fond du chariot, sur un large sac bourré de varech, le malade était couché. Les peaux de brebis ayant été relevées à l’arrière, le docteur agenouillé l’examina et l’interrogea par l’entremise d’un jeune garçon de la bande qui entendait un peu le français. L’homme disait éprouver à la fois mal de tête, crampes d’estomac, douleurs par tout le corps. De fièvre, il n’en avait pas, mais en revanche il puait fort l’eau-de-vie.

— Ce ne sera rien, je pense, fit le docteur en descendant du chariot ; comme vous n’avez sans doute pas de thé de Chine, vous lui ferez prendre du thé d’Europe, que l’on trouve aisément par ici.

Et, ayant longé un moment le chemin, Daniel cueillit à la lisière du bois un pied de véronique officinale.

— Vous mettrez quatre ou cinq feuilles de cette herbe dans un vase, dit-il à l’interprète qui l’avait accompagné, vous verserez dessus de l’eau bouillante, et vous lui ferez boire cela bien chaud.

Puis, après avoir causé avec le jeune garçon, l’avoir questionné sur les voyages de la tribu, les mœurs et les usages des bohémiens, au bout d’une heure, il s’en alla.

Il n’avait pas fait cent pas à travers les bruyères que son interlocuteur courut après lui :

— Le chef vous envoie ça pour le dérangement ! dit-il, en lui remettant une demi-piastre d’Espagne.