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jeune ourson, aux bruissements barbares d’un tambour de basque. En lisière du campement, un vieillard grisonnant rapiéçait, à une petite forge portative, un chaudron percé. Des camarades revenus de la maraude, paresseusement étendus sur le dos, fumaient des cigarettes roulées dans des feuilles de maïs, pour user le temps jusqu’au souper. Des femmes minces, bronzées, aux yeux luisants, nu-tête avec d’énormes pendants d’oreilles, accroupies, attisaient le feu sous une ample chaudière suspendue au moyen de trois grands piquets assemblés par le haut. À côté, deux autres faisaient rôtir, avec une haste de fer posée sur des fourches de bois, deux oies larronnées dans le voisinage. Non loin, devant une des tentes, une vieille en cheveux blancs, coiffée d’un foulard rouge noué sous le menton, enseignait gravement une fillette à dire la bonne aventure, avec des tarots égyptiens horriblement crasseux.

Et, au milieu de tout cela, dans ce fouillis de bâts, de harnais, de tentes, de chevaux, d’ânes, de chiens, d’ours, d’hommes ceinturés de rouge, en vestes de velours, fumant, de femmes en oripeaux bariolés, pittoresques, piaillant, grouillaient comme des cloportes, des enfants de tout âge, à foison, nus, demi-nus, en haillons, les cheveux noirs sur les yeux, tous frappés au même type asiatique, avec des prunelles noires brillantes. Il y en avait partout, — assis sur les bâts devant les tentes, sous le chariot, pelotonnés sur des loques, vautrés dans l’herbe, fraternellement couchés entre les pattes des chiens… Et trois ou quatre enfantelets étaient suspendus, dans une sorte de sac, sur l’échine maigre de la mère, qui leur jetait sa mamelle de chèvre par-dessus l’épaule.

Sur le devant de la kibitka, les jambes croisées sous