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de ces « Bohémiens » qui parcourent l’Europe ; l’autre, Gavailles, le braconnier, son fusil entre ses genoux. Celui-ci raconta qu’il avait servi de guide à l’étranger, en quête d’un médecin pour un camarade. L’étranger ayant confirmé ce dire dans un baragouin mêlé d’espagnol, le docteur, après avoir averti Sylvia, le suivit, tandis que l’autre se remettait en chasse.

Sur l’antique voie ruinée qui, partant de l’abbaye de Vauclaire, se dirigeait vers Ribérac, la tribu était campée non loin du tumulus où, d’après la tradition, reposent les os de Waifer, dernier duc souverain d’Aquitaine, assassiné perfidement par les émissaires de Pépin, dit le Bref.

À quelques pas d’une kibitka, sorte de grand chariot russe recouvert de peaux de brebis tendues sur des demi-cercles, deux tentes en grossière étoffe tissée de poil de chèvre étaient dressées. Çà et là des ânes pelés, de maigres chevaux au piquet, mangeaient de l’herbe coupée dans les bois et du foin volé, au passage, dans quelque métairie isolée. Aux roues du chariot deux ours bruns des Pyrénées étaient enchaînés, qui semblaient méditer tristement. Couchés à terre entre les bâts, les paniers et les harnais, des chiens de races diverses, — chien-loup de Poméranie, dogue d’Alicante, chien turc à crinière et chiens de rue, qui attestaient les pérégrinations de la tribu, — s’élancèrent vers Daniel en aboyant, bientôt calmés d’ailleurs par le personnage qui l’accompagnait. Un peu à l’écart, un homme au teint cuivré, aux yeux bridés, aux cheveux noirs huileux, un anneau d’argent aux oreilles, retapait un vieux cheval en lui limant les dents, lui insufflant les salières des yeux et lui teignant les poils blancs de la tête. Un autre, qui lui ressemblait comme un frère jumeau, dressait un