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rêves ambitieux suggérés et entretenus par son oncle l’abbé l’occupaient fort : il en négligeait la chasse et les parties de débauche à la Maison du Roy. Lassé de guetter la succession au conseil général de M. de La Fayardie, qui semblait devenir plus vert et gaillard avec le progrès de l’âge, il se démenait et cabalait pour entrer au Palais-Bourbon. L’heure paraissait favorable. On était en 1830 : la Chambre venait d’être dissoute par Charles X, et l’ancien député ne se représentait pas. Néanmoins, malgré l’appui du gouvernement, ses visites aux électeurs, ses promesses, ses largesses et les intrigues brassées par l’abbé de Bretout, le vicomte, candidat royaliste ultra, fut outrageusement battu par son concurrent libéral. Puis vinrent les journées de Juillet et l’exode du vieux roi, qui emportait avec lui les espérances de M. de Bretout.

Ces événements affectèrent de différentes façons les châtelains de Légé et l’oncle curé. Le naufrage politique de son époux fut cruel à la vanité de la vicomtesse, qui, pour être femme de député, avait desserré les cordons de sa bourse, et, après l’insuccès, regrettait fort son argent. Son dépit s’exhalait en récriminations hargneuses contre le candidat malheureux, et en vains sarcasmes contre le nouvel élu et le roi-citoyen. L’abbé de Bretout, plus grièvement meurtri par l’effondrement des projets qu’il avait édifiés sur le succès de son neveu et par la chute de la monarchie chrétienne et légitime, cachait le fiel qui suintait en lui sous une mine souriante de pieux détachement, et son regard, comme toujours d’une limpidité sereine, ne laissait rien deviner de sa pensée.

— Inclinons-nous devant les décrets de la divine Providence ! disait-il.