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aussi déplorait-il que les menées de ses ennemis l’eussent empêché de conquérir l’influence nécessaire à l’accomplissement de ses desseins.

Quoique l’ingratitude des paysans lui fût pénible, quand d’aventure il était appelé chez un pauvre diable, le docteur, par pure humanité, se rendait près du malade. Mais, au lieu que jadis il chevauchait la Jasse, maintenant, les jambes enveloppées dans les houseaux de peau de mouton du défunt Mériol, il allait à pied, par les mauvais temps, soigner ses mauvaises pratiques.

Le malsain début de l’hiver fit entrer la fièvre dans la maison. Le petit Nathan fut le premier atteint ; puis, peu de jours après, Noémi. Comme, de longue date, le docteur était trop démuni d’argent pour acheter du quinquina, et encore moins de la quinine, il employait, pour suppléer à ce fébrifuge, l’écorce de hêtre séchée. Mais, ce piètre succédané n’ayant produit aucun effet appréciable sur l’état des deux malades, le père s’en fut à Mussidan. Lorsque le pharmacien, avec lequel autrefois il avait eu des rapports amicaux, le vit entrer sous un habillement de paysan mal en point, sa figure prit une expression de froideur rechignée que remarqua bien Daniel. Cependant le docteur surmonta sa répugnance, demanda de la quinine à crédit, promettant de la payer bientôt, et ajouta, en manière d’excuse :

— C’est pour mes enfants…

L’apothicaire, d’abord, resta sans répondre, un moment qui parut interminable au client. Puis, n’osant refuser, il consentit de mauvaise grâce à donner le remède.

— Je vous remercie. Avant peu vous serez payé, réitéra le docteur.