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En ce temps-là mourut la vieille Jasse, que Daniel enterra profondément, dans la lande non encore essartée, pour ne point la livrer aux loups et aux chiens.

L’hiver débuta par des pluies d’abord espacées, puis continuelles. L’eau tombait jour et nuit, fine, serrée, sans relâche, et pénétrait la terre spongieuse de la Double qui, bientôt saturée, refusait d’en absorber davantage, et la contraignait de séjourner à la surface, dans les chemins creux changés en ruisseaux, dans les sillons des terres labourées, dans les combes noyées copieusement. Les étangs gonflés refluaient dans les marécages où ils avaient pris naissance, et les ruisseaux débordés roulaient vers la Drone et l’Ille des flots d’une eau blanchâtre et sale. Dans le ciel bas, de lourdes nuées immobiles, chargées de pluie, laissaient filtrer à peine un jour gris et triste, et, sans cesse accumulées par le vent d’Ouest, étaient l’inépuisable réservoir d’où l’eau tombait, tombait toujours.

Avec ce temps, nul travail extérieur possible. Tous les gaultiers besognant d’ordinaire dans les bois chômaient ; les braconniers mêmes, blottis dans le coin de l’âtre, où le fusil était au sec, épiaient pour sortir une éclaircie qui ne venait pas.

Aux Essarts, tandis que Sylvia filait et que les enfants jouaient sur le pavé de briques, Daniel lisait et méditait. De tous ses livres, il ne lui restait que la vieille bible de la famille, et un Seneca in-quarto recouvré par M. du Guat sur un de ses métayers, pillards du Désert. En le rendant à son propriétaire, M. du Guat n’avait pas manqué de montrer dans ce larcin une nouvelle preuve de la mauvaise nature des paysans doubleaux.

— Que pouvait faire de ce livre un homme qui