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cela retarda d’un quart d’heure le terrible moment…

Ténébreux était l’intérieur de l’étroite église. Au fond, des lueurs de cire éclairaient vaguement l’autel.

Dans le froid du matin, le prêtre qui avait confessé le condamné, dit la messe à son intention, tandis que celui-ci, affaissé sur une chaise et tremblant, y assistait inconscient ou presque.

Mais quand, après l’ite missa est, remis à l’exécuteur sur le seuil de l’église, le misérable, voyant la rumeur de la multitude, haussa la tête et aperçut l’échafaud entouré de gendarmes, le sabre au clair, il eut un bref sursaut de révolte.

— Grâce !… grâce ! criait-il en patois tandis qu’il se rejetait en arrière. Les autres en ont fait autant que moi.

— Courage, mon fils ! disait le prêtre. Dans un instant vous serez en paradis !

— N’ayez pas peur, mon ami, faisait doucement le bourreau, tout en le poussant, vous ne souffrirez pas.

Malgré ces encouragements, les jambes du patient fléchirent et tout son être devint inerte. Alors, le soutenant sous les bras, l’exécuteur et ses aides l’entrainèrent vers la guillotine, pendant qu’il gémissait d’une voix inintelligible, toujours en patois :

— Laissez-moi, messieurs !… innocent… innocent…

Monter l’escalier, cela lui était impossible. Il fallut le hisser sur la plate-forme, où, tandis qu’un aide lui bouclait les sangles, il murmurait, à moitié mort déjà :

— Grâce !… innocent…

Puis la bascule joua, la lunette se ferma, et un bruit sourd retentit, qui fit passer sur la foule des paysans accourus pour jouir de cette vue, un frisson