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Dans une méchante baraque où luisait faiblement un calel, un homme était assis sur un banc, la tête penchée, et, de temps à autre, il soupirait lugubrement. Auprès de lui, des gens de la justice et des gendarmes attendaient en silence. Dehors, d’autres gendarmes, — buffleteries jaunes croisées sur la poitrine, chapeau en bataille, — entouraient la maison, la bride de leurs chevaux aux bras.

Selon l’antique usage, on offrit à celui qui allait mourir le repas obligé. Sur une table étaient, avec un poulet rôti, un choine, une bouteille, un gobelet.

Manger ? le malheureux en était incapable. Son gosier serré ne laissait point passer la salive, et sa mâchoire inférieure pendait comme paralysée. Mais un homme de police remplit de vin le gobelet :

— Tenez, Badil, buvez, ça vous soutiendra !

Et, relevant la tête du condamné, il le fit boire comme un petit enfant… Puis un monsieur, tout de noir vêtu, s’approcha de la fenêtre, et, voyant paraître le jour, tira sa montre et donna un ordre.

Bientôt parut un petit homme tout rond, de mine joviale, suivi de deux acolytes habillés comme lui d’un paletot sombre. Le premier s’approcha du banc et lia sur les reins les mains de Badil ramenées en arrière par ses aides. Ensuite, tirant de grands ciseaux de sa poche, il se mit en devoir de couper le collet de la veste, puis les cheveux du condamné. Lorsqu’il sentit sur son cou le froid du fer, le malheureux fit un mouvement et laissa échapper une plainte.

— Ne craignez rien mon ami, je ne veux pas vous faire de mal ! dit le bourreau paterne.

La toilette finie, le monsieur à la montre s’avança :

— Voulez-vous entendre la messe, Badil ?

Machinalement, il fit de la tête signe que oui :