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monde remarqua cet homme de haute taille, barbu, aux cheveux noirs touffus, chaussé de gros souliers, habillé comme un paysan d’un pantalon à pont-levis, d’un gilet boutonné jusqu’au col, et d’un « sans-culotte » de cadis grisaillé à larges boutons de cuivre. L’étonnement parut vif lorsqu’on l’ouït répondre à la question du président sur sa profession :

— Docteur-médecin.

Il exposa d’abord tout ce qu’il avait vu au Désert, le soir du crime, la découverte du corps à moitié carbonisé, puis répondit aux questions du président ; après quoi, celui-ci enjoignit à l’huissier de service de présenter au témoin les objets saisis chez les pillards. Sur la table où ils étaient réunis, Daniel reconnut, un à un, le vieux fusil à silex monté en argent, un huilier en faïence décorée, la romaine emportée par Moural, une soupière et de la vaisselle d’étain, une paire de pistolets d’arçon, le beau plat décoratif aux armes des Gastechamp, la curieuse fontaine de cuivre dont s’était emparé Fréjou et d’autres menus objets.

Cette reconnaissance faite, Daniel, interrogé s’il n’avait plus rien à dire, s’adressa aux jurés, qu’il supplia d’épargner la vie des principaux accusés :

— Laissez là, messieurs, dit-il, cette barbare loi du talion. Il n’y a aucune équivalence entre la vie d’une bonne et vaillante femme comme Sicarie Gamonet et celle de scélérats comme Badil et Querol. Un assassinat ne peut se réparer par un meurtre juridique. Un être collectif n’a pas plus le droit qu’un individu de donner la mort à un homme. La société n’a point à se venger : son droit s’arrête à sa défense, et l’exemple est inutile. Quoique l’affreuse mort de celle qui me servit de mère soit toujours douloureu-