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peu tendre, eut quelques paroles de condoléance polie pour ce médecin qu’il surprenait embesogné à un dur travail, lequel, selon ses préjugés mesquins de suppôt de la chicane, n’allait pas sans une déchéance.

— Je vous remercie, monsieur Vigenac, répondit paisiblement Daniel ; mais, bien que pauvre, l’homme n’est point à plaindre lorsqu’il a la santé, l’indépendance et la paix de la conscience.

L’huissier eut un murmure d’assentiment peu convaincu, salua et s’en retourna prendre sa jument, attachée près de la maison, à un chêneau.

— Comme tu as travaillé aujourd’hui, père ! dit Sylvia, quand elle revint, vers le soir. Tu dois être bien las ! Mais demain tu auras de bonne soupe : j’ai rapporté un petit lopin de viande…

Et la bonne créature jeta ses bras au cou de Daniel et l’embrassa passionnément.

Tout en soupant avec des haricots dont le docteur, de temps en temps, quittant son travail, avait surveillé la cuisson, Sylvia raconta les petits incidents de sa journée. Elle avait rencontré la femme de Fréjou, qui faisait supplier Daniel de ne point charger son mari devant la Cour d’assises.

— Et que lui as-tu dit ?

— Que son Fréjou était un mauvais gredin qui ne méritait nulle compassion ; mais que sur lui, gredin ou non, comme sur tous les autres, tu ne diras que la vérité.

— C’est fort bien répondu ! fit le docteur, avec un léger sourire.

Le lendemain, après avoir déjeuné de la bonne soupe faite par Sylvia et d’un morceau de bouilli, Daniel s’en alla tout dispos à la recherche de Claret.