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— Ta soupe te manque, père ! Mais après-demain je rapporterai du pain de Mussidan.

— N’y va pas exprès : je m’en puis bien passer !

Un pichet d’eau était là, venant de la fontaine proche ; la seule recherche, c’est qu’elle avait été bouillie par mesure de précaution.

— Tout de même, reprenait Sylvia, quand je pense que tu as été élevé à vivre de bonne soupe, à manger de la viande trois ou quatre fois la semaine, et à boire du vin à ta soif, et qu’il te faut à présent manger du miquet et boire de l’eau, ça me fait peine !

— Ne te tourmente pas de cela, ma fille !… Il n’importe avec quoi on apaise la faim et la soif.

Après souper, les enfants, ayant un peu chevauché sur les genoux de leur père, furent mis au lit. Restée seule avec Daniel, Sylvia continua de déplorer la pauvreté où était obligé de vivre le docteur.

— Un homme comme toi ! se récriait-elle.

— Un homme comme les autres, faisait-il doucement.

— Non ! non !

— Eh bien, soit ! Puisque tu le veux, je reconnais que je diffère de la plupart en ceci que je ne fais nul cas de maintes choses qu’ils estiment fort. À l’encontre de la foule, pour qui l’argent est un dieu, j’estime que la pauvreté contente est une bonne chose. Ne te tracasse donc pas pour moi.

Sylvia se tut, un moment, puis, retournant à son idée, elle expliqua au docteur qu’au moyen de ce qui devait lui revenir sur la vente du Désert il pouvait s’établir dans quelque endroit hors de la Double et se remettre à la médecine. Ce serait une vie plus convenable à sa personne et à sa suffisance que le métier de « pied-terreux ».