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Pendant que cette troupe fanatisée par des gredins allait vers sa maison, Daniel et Sylvia, avec les deux petits, étaient aux Essarts depuis le matin, occupés à placer et mettre en ordre les meubles et les objets déjà déménagés. La Grande, restée seule, fut surprise par cette horde qui se rua dans la basse-cour en proférant des cris de mort et des hurlements sauvages.

Elle était à ce moment, décoiffée pour rattacher ses cheveux, et n’eut que le temps de saisir derrière la porte le « billon » de son défunt Mériol. En voyant cette géante qui fonçait sur eux, les yeux flambants, les cheveux au vent comme une crinière grise, les premiers assaillants s’arrêtèrent, puis s’écartèrent sous le choc du pesant gourdin qui cognait dur et faisait jaillir le sang de ces fronts de brutes frénétiques. Tant qu’elle n’eut devant elle qu’une trentaine d’hommes, la vaillante femme les tint en respect, non sans recevoir elle-même quelques horions. Mais la poussée des suivants envahit bientôt la cour et finit par l’envelopper. Parfois elle se retournait et chargeait, pour se dégager, ceux qui l’attaquaient de dos ; puis, furieuse, la figure sanglante, elle revenait aux autres, crachant des insultes à tous :

— Tas de bandits ! lâches canailles !… Deux cents contre une femme !…

Quoique meurtrie, haletante, seule contre les assassins qui l’entouraient, son seul bâton contre tous ceux levés sur elle, la géante se défendait encore lorsque l’odieux Badil, venant traîtreusement par derrière avec une troupe qui avait fouillé en vain la maison pour y trouver Daniel, lui planta une fourche de fer dans les reins, en même temps que les coups de trique pleuvaient sur sa tête. Alors elle chut à la