Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux teintes rouillées, cuivrées, jaunissantes, des parties feuillues. Au-dessus de tout cela, sous un ciel morne, de lourdes fumées, qui dénonçaient des fourneaux de charbonniers, demeuraient suspendues, presque fixes.

À l’Ouest, au-dessus des masses vertes pointaient faiblement les clochers d’Échourgnac, au cœur de la Double, et de Servanches, et celui qui surmontait la petite église romane de la Jemaye. Au Sud, le vallon de la Grande-Duche se creusait un peu, à quelque distance de Saint-Barthélemy. Au delà, dans l’éloignement, la vallée de la Chalaure et toute la partie Nord-Ouest de la Double étaient ensevelies en d’épaisses brumes terrestres qui se confondaient avec les nuées immobiles. À l’Est, le cours de la Beauronne délimitait le territoire doubleau et y enfermait le petit bourg de Saint-André. Enfin, la Risone au nom gracieux portait à la Drone les eaux du versant Nord. Çà et là, entre les frondaisons des massifs boisés ou les landes grises, apparaissaient les eaux plombées de quelques-uns des trois cents étangs qui empoisonnaient la Double. À droite, celui de Petitone étalait sa vaste nappe d’eau trouble d’où sortait un ruisseau qui s’allait jeter dans la Risone. De tous ces étangs épars aux queues interminables où pourrissaient dans la fange les végétaux champêtres et aquatiques, ainsi que des jonchaies et des marais aux boues infectes, s’élevaient des vapeurs pestilentielles qui s’épandaient sur le pays sauvage et solitaire. Nulle trace d’êtres vivants dans le paysage sombre, sinon, au-dessus des futaies, un vol de ramiers en mouvement de départ. D’aigres senteurs de marécages montaient de cette terre maudite qu’enveloppait une humidité froide et pénétrante. Une indicible mélancolie se dégageait de cette région désolée qui fut l’antique