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— On devrait les chasser du pays, ces scélérats ! disaient d’autres.

— Si nous n’étions pas des couards, nous le ferions sur-le-champ ! déclara l’avocat de village.

La fureur de la foule trouvait là pour se traduire en actes un objet tangible. Toutefois, si exaspérée qu’elle fût collectivement, chacun pensait, en son for intérieur, qu’à Sainte-Aulaye, à Laroche-Chalais, où était ce temple dénoncé par le curé comme étant « la maison du Diable », les parpaillots étaient nombreux et ne se laisseraient pas faire tout bellement : il faudrait en découdre. Cette réflexion faisait hésiter même les plus violents, qui s’agitaient beaucoup et braillaient, mais ne partaient pas, lorsque, ce misérable Badil ayant crié : « Au Désert ! » toute cette multitude, courageuse maintenant contre un seul homme, répéta forcenée : « Au Désert !… au Désert !… »

Et alors, armés de leurs lourds bâtons, de gros piquets arrachés aux clôtures, de fourches en fer ravies dans les étables, quelques-uns de serpes, tous de couteaux, hommes et femmes, vieux et jeunes, roulèrent en une foule désordonnée dans le chemin qui menait à la vieille demeure huguenote.

À quelque distance, ceux qui marchaient en tête rattrapèrent un vieux mendiant à cheveux blancs, pieds nus, qui les interrogea :

— Et où allez-vous si pressés, braves gens ?

— Nous allons jeter hors de la Double des chiens de parpaillots qui nous ont fait écraser par la grêle ! répondit Badil.

— Voire !… Comment auraient-ils pu le faire ?

— Ils sont tous sorciers ! répondirent quelques voix.