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accablait les populations et les stupéfiait. De mémoire d’homme, on n’avait vu dans le pays un désastre aussi général. Que faire après cela ? Crever de faim tous, hommes, femmes et petits enfants, ou prendre le bissac sur l’échine et s’en aller de porte en porte quêter son pain dans le haut Périgord ! Une sourde indignation, un soulèvement des consciences, exprimés par les blasphèmes de quelques-uns, protestaient contre ce malheur immérité. Quoi ! c’était moins d’un an après la Mission réparatrice, après l’expiation publique et solennelle des péchés commis par eux, peuple de la Double, que Dieu les frappait si rudement !… Ainsi raisonnaient vaguement les cerveaux faibles et obtus de ces gens-là. Aussi, après les premières heures d’affaiblissement, de prostration, vinrent les pensées de révolte et les cris de colère : le bon Dieu n’est pas juste !… « Au diable la Vierge et les Saints ! » disaient, deux jours plus tard, le dimanche devant l’église d’Échourgnac, les paysans assemblés. La fermentation des esprits, qui s’excitaient mutuellement, éveillait dans cette foule irritée le besoin de se venger, de faire retomber sur quelqu’un, sur quelque chose, le poids de la colère universelle :

— N’entrons pas dans l’église !

— F…-nous de la messe !

Mais alors Badil, venu là comme par hasard avec son ami Moural et la Cadette, fit observer que la messe n’en pouvait pas davantage. La véritable cause des malheurs qui abondaient sur la Double, le curé de Saint-Christophe l’avait dite là-haut, en son prêche : c’était la présence dans la contrée des méchants huguenots.

— Oui ! oui ! c’est ça ! firent quelques-uns, prompts à prendre la voie.