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quarantaine, et, par l’avilissement qui résulterait d’une vente à la barre du tribunal, n’en produirait peut-être que vingt ou vingt-cinq. Le principal des dettes, les intérêts et les frais de justice, énormes, absorberaient l’entier prix d’adjudication et même au delà. Alors il faudrait quitter la vieille demeure des ancêtres, cette maison qui les avait abrités vivants et où ils étaient morts… Et pour aller où ? Terrible point d’interrogation, qu’il semblait à Daniel voir effectivement devant ses yeux fixement ouverts, accompagné de ces deux autres, encore plus angoissants : « Comment faire vivre les siens ?… Comment les préserver de la misère ? »

En songeant à tout cela, le docteur se disait que, dans la situation où il était acculé, une seule chose restait possible : tirer un prix raisonnable de sa propriété par une vente à l’amiable qui lui épargnerait une expropriation ruineuse. Il lui resterait ainsi quelques bribes, ses dettes payées. Mais, pour cela, il fallait trouver aussitôt un acquéreur, ce qui était difficile. Alors il se rappela un ami de son père, M. Baraine, riche marchand de biens à Laroche-Chalais, et il lui vint à l’esprit que cet homme de « la bande noire », comme on les appelle au pays périgordin, pourrait lui aider à sauver quelque chose de la déconfiture.

M. Baraine était un vieillard en cheveux blancs, huguenot rigide, fort considéré dans la petite Église réformée du lieu, dont il était un des anciens. Il accueillit Daniel poliment, mais avec une froideur qui fit regretter à celui-ci sa démarche. Après avoir écouté sans mot dire l’exposé de la situation, le marchand de biens exprima ses regrets de ne pouvoir être utile au fils d’un de ses amis, mais il ne voyait pas