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Et puis, cette réclamation lui rappelait une autre dette, celle de Légé, plus importante encore, exigible dans quelques jours. Sans ce malheureux incendie de ses bois des Goubeaux, imputable évidemment à la malveillance, le docteur se disait qu’il serait parvenu peut-être à désintéresser sa cousine par la cession de la coupe et du fonds. Maintenant la coupe était brûlée, et le fonds aux souches carbonisées ne trouverait d’acquéreur qu’à vil prix. Cet événement servait si bien la haine de ceux de Légé que parfois Daniel se demandait si ces mortels ennemis n’en avaient pas été les instigateurs. Cependant l’action eut été si atroce que sa bienveillance naturelle l’empêchait de s’arrêter à cette idée.

Quant à Zélie, il aurait pu la payer en lui cédant le moulin de Chantors et les prés en dépendant, mais elle n’estimait le tout qu’au tiers de sa valeur. Celle-là, quoiqu’elle fût très mal disposée pour Daniel, c’était surtout la cupidité qui la mouvait…

Sept ou huit jours après cette assignation, vint un autre huissier qui signifia au docteur la grosse en forme exécutoire de l’obligation consentie au défunt M. de Légé, avec sommation de rembourser la somme prêtée, faute de quoi il y serait contraint par toutes les voies de justice.

Cette fois, la catastrophe était là, imminente. Entre la haine de sa cousine et la cupidité de Zélie, Daniel se sentait happé comme entre les mors d’un étau, dont les avoués des deux hostiles femelles allaient manœuvrer la vis avec leur vigueur accoutumée. C’était la fin qui approchait. Tout le domaine du Désert, y compris le moulin et les bois, qui dans la vallée de l’Ille aurait valu cent mille francs, dans la Double insalubre n’en valait qu’une