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cavalier qui avait mis pied à terre, plein de révérence, et menait son cheval par la bride. Arrivé à hauteur de l’allée, le quidam remonta sur sa bête, et, tournant court, se dirigea vers le portail du Désert. À trente pas, Daniel le reconnut pour l’huissier qui l’avait assigné devant le tribunal correctionnel lors de son affaire avec le vicomte de Bretout. Aussitôt il comprit de quoi il s’agissait. Devant le portail, l’huissier descendit de cheval et dit à Daniel :

— Monsieur Charbonnière, j’ai un acte à vous remettre.

— Remettez.

Là-dessus, l’autre tira un papier de sa poche, puis un galimart de corne et un tronçon de plume d’oie, mit le « parlant à », en s’appuyant contre la selle, et tendit l’acte au docteur, qui le reçut.

Pendant que l’huissier s’en retournait, Daniel lut l’assignation qui lui était donnée à la requête de demoiselle Ursule-Zélie Cherrier, aux fins de s’entendre condamner à payer à ladite demoiselle la somme de huit mille huit cent et des francs en capital et intérêts à elle dus.

Quoiqu’il pressentit depuis quelque temps cette mise en demeure, le docteur fut d’abord surpris. Tant que la chose était restée dans le vague, elle n’avait pour lui qu’une existence contingente et incertaine. Maintenant il en était bien autrement : cette éventualité s’était réalisée, la menace avait pris corps, le papier timbré était entre ses mains, qui l’assignait, à trois semaines de là, devant le tribunal de Ribérac. La vision nette de la vérité se dressait devant Daniel, inexorable : faute de désintéresser Zélie, c’était l’expropriation et la vente de ses biens et héritages.