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répondu à force questions insidieuses qui tendaient à l’incriminer, le docteur conclut :

— Avant de m’accuser d’empoisonnement sur une délation anonyme, il serait peut-être bon de savoir si réellement doña Maria a été empoisonnée.

— C’est ce que l’expertise dira sous peu. Mais, dans l’affirmative, qui aurait commis le crime ?… Accuseriez-vous le mari de la morte ?

— Nullement. Il n’avait pas besoin de se compromettre par un aussi dangereux moyen.

— Voulez-vous dire qu’il en a employé d’autres ?

— Monsieur le procureur, tout ce que le médecin apprend au chevet du malade est un secret inviolable.

— C’est bien ! fit le procureur sèchement. En attendant le résultat de la nécropsie, vous vous tiendrez à la disposition de la justice.

— J’y serai toujours.

Peu après, les gens du roi, accompagnés d’un médecin réquisitionné, regardaient dans le cimetière de la Jemaye la fosse de doña Maria qu’un homme déblayait péniblement. Il pleuvait. La terre grasse collait aux outils, et, de temps en temps, le fossoyeur essuyait de sa manche son front moite. Enfin, la pelle racla le cercueil, lequel, au moyen de cordes, fut hissé hors du trou et porté dans l’écurie du presbytère, où il fut déposé sur une table improvisée, faite de planches et de troncs d’arbres. Puis, avec un ciseau à froid, l’homme fit sauter le couvercle et la morte apparut.

Une horrible odeur cadavérique monta comme une bouffée au nez des assistants et les fit reculer. La figure suave de la belle Espagnole était méconnaissable : les yeux enfoncés n’étaient plus que deux trous hideux ; les lèvres rongées laissaient voir deux