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rement les devoirs réciproques, dictés au couple humain par la loi de la nature ? L’union libre de l’homme et de la femme, sans contrat, sans acte civil, sans sacrement, en dehors de toute question d’argent, d’intérêts mondains, de convenances sociales, c’est peut-être là, dans une humanité meilleure, le mariage de l’avenir… »

Et, en conséquence de tout cela, Daniel continua comme ci-devant à vivre honnêtement avec Sylvia, « dans le désordre », comme disait le procureur du roi.

Maintenant, depuis qu’elle était majeure, ce sévère magistrat ne parlait plus de la faire rendre à sa mère, et le docteur se félicitait d’être débarrassé de cet ennuyeux personnage lorsque celui-ci se rappela désagréablement à son souvenir.

Peu de temps après la mort de doña Maria, un bruit s’était répandu dans le pays : on disait vaguement qu’elle avait été empoisonnée. Par qui ? comment ? C’était des chuchotements douteux, sans origine connue, qui flottaient dans l’air, légers comme le bruit d’une eau qui coule. Puis, insensiblement, ces murmures devinrent plus nets, on s’enhardit aux commentaires et aux suppositions. Qui avait approché la malade ? Son mari ? Mais don Esteban, qui fréquentait au château de Légé, don Esteban, que l’abbé de Bretout citait en exemple à la paroisse pour sa ferveur, ne pouvait pas être sérieusement soupçonné. À l’égard du docteur, c’était une autre affaire ! Un homme d’opinions subversives, un concubin scandaleux, un repris de justice et, par surcroît, un méchant parpaillot devait être fort capable de la chose… Cela se disait à l’oreille, entre bourgeois et personnes pieuses, et, à force de se répéter, avait fini par