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Et, pareillement, il se persuadait que, dans les malheurs individuels qui atteignent des innocents, les lois de la société ont une plus grande part que celles de la nature.

Dans le même temps que mourait doña Maria, Sylvia était accouchée d’une petite fille qui fut nommée Noémi, en mémoire de sa grand’tante. Ce fut une fête pour tous au Désert, et cependant Daniel, encore attristé par la mort de la jeune Espagnole, ratiocinait sur le voisinage des deux événements.

Cette infortunée, elle aussi, sans doute, avait été accueillie avec joie dans la maison de son père. Le jour de sa naissance avait été fêté comme un jour heureux, et voilà que, dix-huit ans après, elle mourait victime de la férocité de celui que ses parents lui avaient, contre son gré, donné comme époux !

« Au lieu de se réjouir, à la venue d’un enfant, que de larmes souvent devraient couler si l’on pouvait pénétrer l’avenir ! »

En songeant à cette barbare stupidité des parents qui imposent à leurs enfants des mariages absurdes et des époux abhorrés, pour des considérations de fortune, de vanité, d’ambition ou même de pur caprice, le docteur se louait de n’avoir obéi en prenant sa compagne qu’à un amour partagé, de n’être liés tous deux que par leur seule volonté.

« La nature, se disait-il, ne s’occupe point de fonder des familles puissantes et de créer des enfants riches ; elle veut seulement des amants bien assortis et des enfants robustes : l’amour seul ne peut satisfaire à ce vœu. Les lois conjugales attachent les époux plutôt qu’elles ne les unissent ; le devoir procrée trop souvent des enfants mal doués ou débiles. D’ailleurs n’est-il pas plus hautement vertueux de remplir volontai-