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désespoir que le docteur ému de pitié s’efforça de calmer.

— Pauvre créature, dit-il, lorsqu’elle s’arrêta, épuisée, on vous a enseigné à croire en un Dieu très bon, très juste et très miséricordieux. Mais ce Dieu ne serait ni bon, ni juste, ni miséricordieux, s’il vous torturait éternellement pour avoir obéi à une loi de nature que lui-même a mise dans votre cœur plutôt qu’à la loi barbare des hommes !… Quant aux presque impossibles conditions du salut que vous imaginez vous être imposées, si elles étaient les siennes, combien depuis des centaines de mille années, combien d’innombrables milliards d’êtres humains seraient voués à d’atroces et indéfinis supplices par ce Dieu très bon, très juste et très miséricordieux, pour des actions naturelles, licites ou indifférentes, que lui-même avait prévues en les créant !… Cela ne peut pas être ! Ce Dieu n’est pas si féroce… Rassurez-vous donc, pauvre enfant ! Tout cela n’existe que dans votre esprit. Même si vous êtes incapable de chasser pareilles chimères, dites-vous bien que vous expiez cruellement une infraction à la loi humaine par des souffrances qui vous mériteraient le pardon, fussiez-vous cent fois plus coupable encore. Ayez confiance ! endormez-vous en paix : votre conscience est purifiée par le repentir, la douleur et la mort !

À mesure que Daniel parlait lentement en mauvais espagnol, penché sur le lit de la mourante, l’apaisement se faisait en elle, visible sur sa figure. Ses yeux tournés vers le docteur semblaient boire les paroles consolantes qui tombaient de ses lèvres. Lorsqu’il se tut, elle abaissa ses paupières, les releva, murmura un remerciement : Gracias ! et, avec ce dernier mot, exhala son dernier souffle, paisible et rassérénée.