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dois sans que ton revenu diminue d’un sol, en vendant le moulin de Chantors, qui ne donne pas une quarte de blé au maître.

— Oui, mais écoute ça.

Et Daniel lut à la Grande l’écrit de son père.

Elle leva ses grands bras vers les poutrelles :

— Ha ! le pauvre brave homme ! De dessous terre où il est, il fait encore du bien aux malheureux !

Ils restèrent, un moment, silencieux, puis la bonne géante dit :

— La soupe est trempée, mon Daniel : viens dîner.

Ils « dînèrent » tous deux seuls, Mériol et Jannic ayant profité d’une éclaircie pour faire un charroi de fumier dans les terres. Ce fut l’occasion pour Sicarie d’entretenir encore son petit de ses affaires et de lui fournir des conseils sur la manière de se libérer. Ses principales recommandations furent, d’abord, qu’il ne fallait pas avoir l’air d’être pressé, afin de vendre plus cher ; ensuite, que, si l’on divisait en lots les bois des Goubeaux, on aurait plus d’acquéreurs, qui, en se poussant les uns les autres, feraient hausser les prix.

— Il y a plus de petites bourses que de grosses ! prononçait-elle.

On ne peut pas dire que ces conseils fussent mauvais, mais cela venait à l’idée naturellement, et Daniel avait déjà imaginé ça tout seul. Toutefois il laissait parler la Grande tout à son aise afin de ne la pas contrarier, car il l’aimait fort. Et, en vérité, elle le méritait bien, pour l’affection qu’elle lui avait toujours portée. Depuis qu’à l’âge de huit mois il avait perdu sa mère, la brave femme l’avait remplacée. À son grand regret, elle n’avait point elle-même de lait