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Examinant toutes ces choses d’un œil philosophique, le docteur ne se décourageait point, et à cette froideur adverse opposait avec une sereine confiance toute son inépuisable bonté.

« Ils finiront, se disait-il, par reconnaître que je vaux mieux qu’on ne le raconte, et ne cherche que leur bien… »


Un jour, à sa grande surprise, Daniel fut appelé au « château » de Mortefont, — comme on disait un peu ambitieusement dans le pays. Cette construction de médiocre importance était située dans la partie la plus malsaine de la Double, au centre d’un plateau couvert de brandes, d’ajoncs et de flaques d’eau croupissante. Il avait plu à torrents, la nuit, en sorte que la Jasse glissait parfois sur la sente glaiseuse qui serpentait en contournant les massifs d’ajoncs et aboutissait à Mortefont. Tout en approchant, le docteur considéra curieusement l’étrange petit manoir posé sur une berge de l’étang du même nom et bâti, comme un vieux logis urbain d’autrefois, en poutres et poutrelles assemblées et entrecroisées, dont les intervalles étaient maçonnés de pisé, de briques et même de pierres de grison à l’endroit des foyers. Tout autour, des tessons de bouteilles et de flacons : une tradition locale voulait que cette maison eût appartenu jadis à un gentilhomme verrier.

« Ce n’était peut-être qu’un gentilhomme ivrogne ! » se disait Daniel.

Depuis qu’il n’était venu ici, le temps, les hivers, une longue inhabitation avaient fort dégradé les murs dont les crépis étaient tombés par endroits, laissant voir entre les bois à moitié pourris et pleins