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tant et qu’il affectionnait de même, avec le séjour infect de la prison et l’ignoble compagnie des malfaiteurs qui s’y succédaient, ce contraste soudain lui faisait sentir plus fortement la joie du retour.

Un moment, il resta pensif, se disant : « C’est une merveilleuse chose que le plaisir soit ainsi lié à la souffrance et que, plus grande est celle-ci, plus grand est celui-là. Il m’est échu bien des fois de dîner ainsi avec les miens, mais jamais comme aujourd’hui je n’ai ressenti le bonheur de cette communion intime à la table de famille… »

Or, voici que le petit Samuel quitta les genoux de sa mère pour ceux de Daniel et interrompit ces réflexions par de naïves caresses enfantines.

« Tu es plus sage que moi, mon mignon ! pensa le père ; ce n’est pas l’heure de philosopher, mais de se réjouir… »

Et lors, empoignant son gobelet que Mériol venait de remplir, comme tous les autres, de vin nouveau qui faisait une mousse rose, il le leva et trinqua de bon cœur avec ses commensaux :

— À vos santés, mes amis !

— À votre bon retour, notre monsieur ! répondit Mériol, qui se rassit tout étonné d’en avoir dit si long. |

Mais on frappait à la porte, et ce fut Claret, le vieux chasseur de vipères, qui entra au commandement du maître.

— Ah ! monsieur Daniel ! ils vous ont lâché pourtant ! s’écria-t-il en venant toucher de main avec le docteur.

— Oui, mon ami Claret, il m’ont mis dehors, et je suis content de vous voir !… Seyez-vous auprès de Mériol ; vous allez dîner avec nous.