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loin, alors qu’elle cheminait sur la chaussée à demi ruinée d’un large étang, vers l’extrémité de la nappe sombre comme un miroir d’acier poli, une voix formidable et pareille au mugissement d’un taureau monta subitement et la surprit d’abord :

« C’est le bœuf d’eau ! » se dit-elle, donnant son nom vulgaire au butor étoilé, et elle reprit sa marche.

Ensuite, rentrée sous bois et dans l’impossibilité de se guider par les astres, elle hésitait, lorsqu’un énorme animal vint se précipiter sur elle avec de petits gémissements de joie. Sa main armée du couteau retomba bien vite :

— C’est toi, mon César ! dit-elle en le caressant.

En redressant la tête, elle vit briller à travers les arbres une lueur qui dansait comme un feu follet, et bientôt Mériol, dirigé par les abois du chien, arriva, son fusil sur l’épaule, accompagné du nouveau berger, qui portait un falot.

— Bien tard ! fit-il.

— Oui, assez.

— La bourrique ? reprit-il, une minute après.

— Je te conterai ça, mon ami, à la maison.

Une demi-heure après, ils atteignaient le Désert où Sicarie guettait, fort anxieuse. À peine vit-elle Sylvia, la bonne géante la prit au col et l’embrassa bruyamment, plusieurs fois, puis lui demanda :

— Que t’est-il donc advenu ? pauvre !

— Oh ! pas grand’chose ! répondit-elle, les yeux brillants.

Cependant elle mettait son couteau dans sa poche, après avoir essuyé la lame à son tablier.