Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Je te demande pardon, mon cher fils, de te laisser une succession embarrassée de dettes. Mon excuse est d’avoir vécu dans un pays de misère. Tu pourras te tirer d’affaire en vendant les bois des Goubeaux, au-delà de Saint-André. Ils valent à peu près ce que je dois, et ainsi faisant tu ne toucheras pas au Désert. Mes créanciers t’accorderont, je pense, du temps pour t’acquitter : ce ne sont pas de mauvaises gens, excepté le cousin de Légé, qui est dur. Mais, pour tout cela, mon ami Cherrier, le notaire de Saint-Vincent, t’aidera autant qu’il le pourra, j’en suis sûr.

» À présent, je dois te dire, en conscience, qu’il te serait plus avantageux de vendre le moulin de Chantors, avec les prés qui en dépendent, car il ne rapporte rien depuis que le meunier est mort : sa veuve ramasse à peine assez de mouture pour se nourrir et ses enfants. Mais que deviendrait-elle et eux aussi ? Personne ne les voudrait garder dans ces conditions : il leur faudrait partir tous et prendre le bissac. J’ai dû t’avouer cela, mon cher garçon ; tu feras selon que ton cœur te dira. »


En lisant ces dernières lignes, où se révélait la bonté de son père, Daniel sentit sa gorge se serrer ; il demeura immobile, un instant, la tête accotée au fauteuil.

Cependant la Grande reparut, le venant querir pour dîner.

— Eh bien, fit-elle, inquiète, ça se monte haut ?

— Dans les quinze mille francs… un peu plus.

Elle eut un gros soupir de satisfaction :

— Ah !… Je craignais que ça ne fût davantage ! Alors, continua-t-elle, tu peux payer tout ce que tu