Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toujours un couteau-poignard, appartenant à Daniel et dont la lame aiguë avait bien six pouces de long.

Le vicomte, lui, fier de sa noblesse, de sa personne, de sa position sociale, de ses fonctions officielles, de la déférence craintive qu’il inspirait, en était venu à se croire tout permis avec les petites gens. Aussi avait-il conçu le projet de prendre Sylvia de force puisqu’elle ne voulait pas céder de bon gré.

Un jour de foire à Montpaon, où elle était allée vendre des dindons, un acheteur, prétendu coquetier, la retarda fort en lanternant pour la conclusion du marché, puis sous le prétexte qu’il n’avait pas de monnaie pour la payer. De ce retard, il résulta que, revenant sur sa bourrique, à moitié chemin du Désert, elle se trouvait asseulée au milieu des bois au moment où la nuit tombait. Le temps était clair, les étoiles se montraient, et Sylvia pressait sa bête qui s’en allait d’un bon pas en suivant le bord du chemin, lorsque tout à coup, entre des gaulis épais, elle fut assaillie par quatre hommes masqués de peaux de lièvres. En un instant, elle fut bâillonnée avec un mouchoir, enveloppée d’une limousine qu’on avait jetée sur sa tête, et entraînée hors du chemin. Un des ravisseurs poussait la bourrique par derrière, à coups de bâton, tandis qu’un autre la tirait par le licol et que les deux derniers maintenaient la pauvre femme à califourchon sur la bastine, chacun par un bras.

Après avoir marché rapidement une demi-heure à travers pays, la troupe s’arrêta devant une porte cintrée et Sylvia fut transportée dans la maison et déposée sur un lit, dans une chambre où elle resta seule avec un de ceux qui l’avaient enlevée. Pendant que le quidam battait le briquet pour allumer une chandelle, la courageuse captive se défubla lestement,