Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vie. Depuis son « veuvage », comme il disait après boire, il avait repris clandestinement, avec quelques amis du voisinage, cette existence de gentilhomme viveur et dissipé qu’il avait menée avant son mariage. Après la mort de M. de Légé, il ne se gêna plus. C’était des parties de chasse, de jeu, de filles, chez l’un de ces messieurs, célibataire entêté. Le vicomte lui-même, sous le prétexte d’un rendez-vous de chasse, fit accommoder une vieille maison inhabitée, appelée la « Maison du Roy », parce qu’une légende y faisait souper le Béarnais après Coutras. Là, au milieu des bois, le mari de Minna et ses compagnons s’égayaient de petites orgies avec des gotons de village, des coureuses de foires ou des guenuches amenées de Ribérac par le complaisant Pirot.

Mais ces débauchées rustiques et grossières ne lui faisaient pas oublier la belle Sylvia. Il la revoyait toujours, sur la lande du Drac, fière et outrageuse, lui déclarant : « Je suis venue pour aider à t’emporter ! » À la passion véhémente qu’il éprouvait pour elle se joignaient la volonté frénétique de vaincre enfin cette résistance obstinée, le furieux désir de triompher d’une ennemie et, en même temps, de se venger de Daniel.

Lorsqu’il la rencontrait par des hasards cherchés, M. de Bretout renouvelait ses tentatives, toujours repoussées avec mépris par Sylvia. Ces refus d’une créature, qu’il jugeait de condition vile et dont il estimait à néant la vertu, exaspéraient le vicomte.

— Tu t’en repentiras, Sylvia ! faisait-il, rageur.

— Mais bien toi plutôt, si tu n’es sage ! lui répondait-elle hardiment.

Cette assurance de la vaillante fille venait de ce qu’elle était armée et bien résolue à se défendre : dans une poche de sa robe, sous le tablier, elle portait