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apparent signe de deuil au château de Légé fut le crêpe noir dont les ruches du verger étaient ceintes selon le vieil usage.

Au surplus, cette mort ne modifia pas la situation de M. de Bretout comme il l’avait espéré : Minna, bien renseignée par le notaire de la maison, se réserva jalousement la direction ostensible de ses affaires. Tout passait par les mains de M. Durier pour être définitivement décidé par elle. Un beau matin, que le vicomte voulait faire prévaloir son avis au sujet d’un emploi de fonds, elle lui répondit délibérément :

— Notre cher, vous êtes ici comme un coq en pâte, libre, et en état de faire bonne figure au dehors ainsi que de vous passer vos petites fantaisies ; mais l’administration de mes biens paraphernaux m’appartient, à moi seule.

— Paraphernaux !… Peste, ma chère, vous parlez comme un vieux procureur ! fit M. de Bretout en s’en allant, vexé, tandis que Minna jubilait d’avoir placé ce mot de droit, appris du notaire.

Sentant bien qu’il ne pouvait rien gagner à heurter les résolutions de sa femme, le vicomte se cantonna dans le rôle effacé de mari de la reine. Son amour-propre masculin souffrait bien de cet arrangement ; mais, comme il était bridé par la loi et consigné à la porte de la chambre conjugale, il n’avait aucun moyen de faire dominer son vouloir. Il eut d’ailleurs dans la succession de M. de Légé à la mairie de la Jemaye et au conseil d’arrondissement une petite compensation.

Libre de ses actes et n’étant plus retenu par la présence de son beau-père, M. de Bretout se dédommagea de sa dépendance conjugale en menant joyeuse